Cinq ans après le succès mondial de « HOME » avec ses plus de 600 millions de spectateurs et dans le prolongement du projet « 7 milliards d’Autres », Yann Arthus-Bertrand et la Fondation GoodPlanet en partenariat avec la Fondation Bettencourt Schueller présenteront en 2015 HUMAN, un portrait sensible de l’Humanité aujourd’hui.
A travers des anecdotes de tournage, les membres de l’équipe du film nous racontent les rencontres, les échanges, les fous rires, les pleurs et les moments de partage qu’ils ont eu au cours de ces 3 dernières années. Aujourd’hui c’est au tour d’Emmanuel Cappellin de nous raconter sa rencontre avec Roslin, ancienne prostituée devenue recycleuse dans les quartiers chauds d’Oakland aux États-Unis.
In. Out. In. Out. Je sors d’une semaine de dérushage comme on sortirait d’un séjour intensif en réhab. Plusieurs semaines de tournage laissent place au calme du quotidien. Pour transition, une petite semaine devant l’écran à revoir les visages rencontrés, à écouter la parole recueillie. 12 heures par jour à revoir les interviews tournées, à digérer les histoires de vie qu’on s’est injectées. Histoire de redescendre, histoire d’atterrir.
In. Out. In. Out. Les passages les plus forts de chaque interviewé sont sélectionnés. Mais entre les vérités personnelles et autres réponses données, il y a les silences, les questions, les mises-au-point et autres ajustements techniques. Je souris ou grimace en laissant défiler ces pauses où je retrouve mon expérience d’intervieweur, de grand curieux. Je souffle. Malgré la caméra et les deux mètres qui nous séparaient, il y a bien eu rencontre. Souvent, je me suis retrouvé, nous nous sommes reconnus. Parfois aussi, je me suis perdu.
In. Voilà Roslin, ancienne prostituée devenue recycleuse dans les quartiers chauds d’Oakland, malicieuse comme une gamine, lucide dans sa torpeur, que j’interview chez Ricardo, un pasteur mexicain résidant illégalement aux Etats-Unis depuis 23 ans. Roslin raconte les bonheurs de la pêche à la canne en Louisiane lorsqu’elle était enfant. Roslin s’étonne d’une société qui ne veille pas sur tous ses vieux et sur tous ses mômes –puisque les uns sont nos racines et les autres notre avenir. Roslin se lève au milieu de notre interview et m’embarque une heure pour ramener chez elle une amie, une vieille femme convalescente qui sort de l’hôpital. « Tu me demandais comment je montre mon amour aux autres ? Voilà comment. La fin de l’interview attendra. » Out.
In. Revoilà Roslin qui m’annonce de but en blanc que, oui, elle a bien connu la discrimination… surtout lorsqu’on a pendu son demi-frère par le cou à un arbre et que des croix brûlaient dans son jardin. Mais, oui, elle pardonne… parce que nous saignons tous d’un même sang rouge… parce que c’est surtout à soi qu’il est dur de pardonner. Et voilà Roslin qui fait des grimaces et des blagues pendant la séance de portraits de fin d’interview, et puis Roslin qui repart dans les rues. Out.
In. Out. In. Out. Mon séjour en réhab se finit. La fatigue et le décalage horaire dans les dents, on dérush, on fait des choix, on fait le tri, on se retrouve, on atterrit.
Emmanuel Cappellin
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