Nous les piétinons tous les jours, mais que connaissez-vous vraiment des sols ?
Capucine et Perrine de la Fondation GoodPlanet vous proposent d’en savoir plus.
Discret mais très actif, le sol n’est pas ce que croit la plupart d’entre nous. Il est souvent perçu comme un simple support nutritif pour les végétaux qui y poussent. Néanmoins, c’est aussi un super-organisme et un écosystème complexe dont nous dépendons tous quotidiennement.
Le sol joue un rôle essentiel dans notre écosystème puisqu’il est l’interface entre l’atmosphère (l’air), l’hydrosphère (l’eau), la lithosphère (la roche) et la biosphère (le monde vivant). Les sols sont au cœur de grands enjeux planétaires comme la sécurité alimentaire, le changement climatique ou la biodiversité. De nombreuses organisations montrent aujourd’hui que la disponibilité en terres cultivables, et donc en sols aptes à soutenir durablement les productions d’aliments, d’énergie ou de fibres, est une question clé pour satisfaire nos besoins futurs. Épargner et valoriser efficacement ce milieu est une nécessité pour assurer ces besoins.
Cependant aujourd’hui nous sommes face à un problème majeur. Depuis que l’agriculture existe, nous avons créé 2 milliards de déserts sur cette planète : 1 milliard en 6 000 ans et 1 milliard depuis le 20ème siècle. En seulement un siècle nous avons détruit autant que les 6 000 dernières années. L’industrialisation de l’agriculture, première cause de la mort de nos sols, est la grande faute du 20ème siècle.
Avant d’essayer de comprendre les causes de l’infertilité des sols et ainsi promulguer des solutions économiquement et environnementalement efficaces, commençons par le début.
Un sol fertile est un sol vivant
Le sol est composé à 50% de vides remplis d’eau et d’air. Pour le reste, ce sont majoritairement des matières minérales comme le sable ou l’argile et des matières organiques issues de la décomposition des animaux et des végétaux.
Le sol est un écosystème vivant où l’arbre prend une place particulièrement importante. C’est l’arbre qui assure la création et le fonctionnement de l’écosystème du sol, grâce à ses feuilles et ses racines.
Tous les ans, les arbres laissent tomber leurs feuilles et leurs branches mortes sur le sol. Ces branches vont être attaquées et mangées par une faune que l’on appelle épigée (collemboles, cloportes, acariens et nématodes) pour être transformées en excréments. Ces déjections sont de la matière organique broyées très finement. Ce « prémâchage » va permettre aux champignons, seuls êtres vivants capables de dégrader le bois, de décomposer cette matière pour la transformer en humus.
Au printemps, quand le sol va se réchauffer les bactéries vont minéraliser l’humus, c’est-à-dire libérer tous les nutriments tels que le phosphate, l’azote, le nitrate et le potassium. Ces nutriments essentiels vont être captés par les racines pour nourrir la plante.
Les arbres ont également des racines dites pivotantes, qui descendent jusqu’à la roche mère, le monde minéral. Les racines des arbres peuvent atteindre plusieurs centaines de mètres de profondeur. Ces racines, une fois en contact avec cette roche, vont sécréter des acides qui va permettre la création de l’argile.
Mais comment faire pour que humus et argile se rencontrent ? C’est grâce aux super-organismes que nous connaissons tous : les vers de terre ! Egalement appelés faune anécique, ils vont permettre, grâce à leurs déplacements verticaux, de faire rencontrer ces deux matières. Une fois la nuit tombée, les vers de terre vont remonter à la surface l’intestin plein d’argile, pour se gaver d’humus à la surface. Ce sont les turricules, leurs excréments, qui forment le complexe argilo humique et donc la terre.
Le sol, un support multifonctionnel
Il est donc clair qu’un sol en bonne santé, apportant tous les nutriments nécessaires à la bonne croissance des plantes, est un sol peuplé par tout un tas d’organismes vivants. Autrement dit, une terre vivante est une terre fertile qui permet d’assurer une multitude de fonctions utiles à l’homme !
Et oui, nous l’oublions souvent mais un sol sain nous rend d’innombrables services. Il nous permet, entre autres, de filtrer notre eau, de créer de l’énergie grâce à la biomasse, de produire nos vêtements grâce à la culture de lin ou de coton, de créer nos médicaments (70% des antibiotiques que l’on utilise ont été mis au point à partir d’organismes issus du sol !), et de réguler notre climat grâce à la photosynthèse qui, chaque année, absorbe 30% des émissions de carbone des hommes. Pas mal non ?
Oui mais voilà, aujourd’hui les sols français sont en mauvaise santé, comme morts… Selon la DRIAFF (Direction Régionales de l’Agriculture et de la Forêt), nous estimons que 6,5% des terres cultivées sont encore vivantes. Comment avons-nous fait pour en arriver-là ?
C’est l’homme qui est responsable de l’infertilité quasiment généralisée de nos sols. Ceci à cause de la déforestation massive, de l’industrialisation de l’agriculture et de l’urbanisation galopante.
L’intensification de l’agriculture, première cause de l’infertilité de nos sols
Le saviez-vous ? Chaque année dans le monde, c’est la taille de l’Angleterre que nous défrichons ! Couper des arbres induit nécessairement moins de photosynthèse, donc moins de Co2 absorbé par les végétaux et, à terme, stocké dans les sols pour nourrir les plantes. Si en plus de cela nous les brûlons, ce qui est quasiment systématique, nous dégageons davantage de gaz dans l’atmosphère.
Aujourd’hui, la déforestation est très souvent le résultat d’une volonté d’intensification de l’agriculture qui tue nos sols à petit feu.
Le recours au labour est l’une des principales causes. L’erreur a été de vouloir aérer la terre en la retournant. Cette pratique a finalement induit un effet « boule de neige » néfaste : perturbation de l’équilibre des sols, rejet de Co2 dans l’atmosphère, aggravation du phénomène d’érosion et donc recours aux engrais chimiques qui, à leur tour, détruisent la biodiversité indispensable à la vie du sol. Ces engrais sont d’ailleurs la cause majeure de la pollution des eaux souterraines, principaux réservoirs d’eau potable.
Le résultat est glaçant : en 40 ans, nous estimons avoir perdu plus de 80% de nos vers de terre. Par ailleurs, des chercheurs de l’université de Wageningen aux Pays-Bas, ont montré que 83% des terres européennes contiennent des résidus de pesticides.
L’urbanisation galopante de nos sociétés est également visée. Chaque année en Europe, l’équivalent d’une ville comme Berlin est transformé en espace urbain ! En imperméabilisant ainsi nos sols, nous limitons leur capacité d’absorption et accélérons les inondations en ville.
Pour remédier à ce phénomène destructeur, il est impératif d’adopter des pratiques respectueuses du vivant.
L’agroécologie, la réponse au problème ?
Et si la solution était de se tourner vers des pratiques agricoles respectueuses du vivant qui assurent à la fois la sécurité alimentaire et la régulation des émissions de gaz à effet de serre ?
C’est ce que l’agroécologie essaie de promouvoir. À la croisée entre l’agronomie et l’écologie, elle regroupe un ensemble de pratiques destinées à réduire l’impact environnemental tout en s’appuyant sur les forces de la nature. Autrement dit, l’idée est d’adopter des pratiques agricoles qui redonnent vie au sol permettant d’assurer pleinement ses fonctions, vitales pour l’Homme.
Concrètement, quelles sont ces pratiques ?
Pour nourrir le sol et lui redonner vie, il est recommandé de replacer l’arbre au cœur des cultures. L’idée est de recréer un écosystème forestier qui va permettre d’assurer la fertilité des sols en produisant abondamment de la matière organique. Cela stimule la biodiversité environnante et participe à la dépollution de l’air et des eaux de pluie.
Il est impératif de limiter le recours au labour qui détruit l’habitat de bon nombre d’organismes vivants et qui accélère l’érosion des sols. A l’inverse, l’agroécologie promeut la couverture systématique des sols. Entre les récoltes d’une culture et les semis de la prochaine, il est recommandé de mettre en place des cultures intermédiaires pour booster la photosynthèse et limiter l’érosion. Cela favorise le stockage du carbone dans le sol, ce qui le rend plus fertile.
Et pour cause, des initiatives telles que « 4 pour 1000 » montrent qu’en augmentant la quantité de matières organiques des sols agricoles de seulement 0,4%, cela suffirait pour compenser toutes les émissions de gaz à effet de serre produites en un an dans le monde ! Les études sont claires : la solution est de gaver nos terres en matières organiques pour assurer la sécurité alimentaire tout en réduisant notre empreinte carbone.
Alors on s’y met ?
Un, deux, trois… SEMEZ !
Pour aller plus loin :