Jonathan Ouaret-Gave de la Fondation GoodPlanet vous propose une interview déconfinée avec le réalisateur Geoffrey Couanon pour vous donner de bonnes raisons de soutenir et de voir son nouveau film-documentaire « Douce France », une aventure écologique et sociale avec trois jeunes de banlieues qui enquêtent sur le projet Europacity !
La pandémie a révélé l’importance du système agricole français et soulevé la question de la souveraineté alimentaire des pays. Pourtant, l’Ile-de-France perd chaque année 1400 hectares de terres agricoles et chaque seconde 2 mètres carrés d’espace naturel.
Pour mettre en lumière ces questions, Geoffrey Couanon a choisi dans son nouveau film documentaire « Douce France », de revenir sur un projet d’aménagement pharaonique, celui d’Europacity, qui a eu pour ambition d’implanter sur d’importantes terres agricoles en périphérie de Gonesse, un gigantesque parc de loisirs et de commerce.
« Douce France », ça se passe en Seine-Saint-Denis, en banlieue parisienne. Le spectateur est embarqué aux côtés de trois lycéens du 93 (Amina, Sami et Jennyfer) dans une enquête inattendue sur le projet Europacity qui risque bientôt de bétonner les terres agricoles proche de chez eux. Drôles et intrépides, ces jeunes citoyens nous emmènent à la rencontre d’habitants de leur quartier, de promoteurs immobiliers, d’agriculteurs et même d’élus de l’Assemblée Nationale.
Leur enquête nous amène à des questionnements sur nos modes de consommation et de production, à l’agriculture, à l’engagement, et nous amènent à réfléchir aux choix de société qui sont à l’œuvre dans notre « Douce France ».
Pour vous donner envie de soutenir et de voir Douce France, le réalisateur Geoffrey Couanon s’est livré dans une interview avec Jonathan Ouaret-Gave de la Fondation GoodPlanet pour nous révéler les coulisses et ambitions de ce film documentaire écologique et social.
1. Vous avez travaillé pendant 10 ans auprès de jeunes de tout âge sur les questions de l’agriculture et de l’alimentation dans les banlieues de grandes villes. Cette expérience a-t-elle été un moteur pour réaliser Douce France ?
Ce film est à la croisée de plusieurs sujets qui sont à l’image de mon parcours de vie : le cinéma, l’agroécologie et l’éducation populaire.
En tant qu’éducateur, j’ai été amené à rencontrer des jeunes de quartiers dans plusieurs villes (Paris, Bruxelles, Montpellier). Ce qui est magique avec les jeunes, c’est leur authenticité, leur franc-parler, leur spontanéité. Ils ont moins de politesse que nous. C’est ce que j’aime et qui m’anime dans mon travail car ils parlent à mon enfant intérieur, comme à celui de tout adulte.
Je me suis aussi formé au maraichage, et ai été à l’initiative de projets d’agriculture durable.
Et depuis 2017, en tant que cinéaste, je mets en image ces différents sujets, car selon moi, l’un ne va pas sans l’autre.
Avec Douce France, j’ai voulu donc faire un film avec les jeunes plutôt que sur les jeunes. Je ne voulais pas arriver avec un point de vu, mais au contraire montrer que les jeunes peuvent avoir leur subjectivité et s’aiguiser un point de vu qui est le leur. D’ailleurs au départ, la plupart des jeunes du film étaient favorables au projet d’Europacity parce qu’ils ne voyaient que le gigantesque parc de loisirs et de commerces. Puis on leur a donner des outils pour qu’ils se fassent une idée. Ils ont d’ailleurs rapidement compris que derrière ce projet attrayant, l’écologie et l’emploi sur leur territoire étaient menacés.
2. A qui ce film est-il adressé ?
Ce film pose selon moi une question universelle : a-t-on son mot à dire sur son territoire face à de tels projets?
Je souhaitais à tout prix sortir des milieux convaincus et m’adresser au plus grand nombre, du jeune de quartier au politique en passant par le monde de l’entreprise.
Ce film pose selon moi une question universelle : a-t-on son mot à dire sur son territoire face à de tels projets ? Ce questionnement se pose avec d’autant plus de force que l’on peut tous s’identifier à ces jeunes.
D’ailleurs, à l’âge d’Amina, Sami et Jennyfer, j’ai travaillé sur les chantiers de mon père qui construisait des bâtiments industriels, et j’ai pu très tôt découvrir l’enjeu de la destruction des terres par des centres commerciaux dans lesquels je trainais.
Et beaucoup de personnes de tout âge qui ont vu le film, m’ont confié qu’ils s’étaient reconnus dans la réflexion de ces jeunes sur leur territoire.
A travers les questions que les jeunes se posent, ces personnes sont nombreuses à se poser la question du sens qu’elles veulent donner à leur vie.
Pourquoi avoir choisi de réaliser un film sur le combat entre le collectif pour le triangle de Gonesse et Europacity ?
La réalité, c’est qu’il y a des Europacity partout en France, à l’image des 600 projets de centres commerciaux, de logements ou encore de bureaux.
Ce qui est intéressant avec le sujet abordé par le film, car il met en lumière un département (la Seine-Saint-Denis) très peuplé, où il y a le plus de jeune, le plus de diversité culturel, le plus de précarité en France. C’est dans ce contexte qu’a été parachuté Europacity, un projet d’artificialisation des sols qui est obsolète aujourd’hui.
La réalité, c’est qu’il y a des Europacity partout en France, à l’image de plus de 600 projets de constructions de centres commerciaux, de logements ou encore de bureaux.
Aussi, ce projet a été tenu en échec grâce à une mobilisation citoyenne sans précédente. En cela, ce film est un message d’espoir pour les autres projets auxquels il fait écho.
Les citoyens engagés dans le combat contre Europacity, ont compris que le but n’était pas de s’opposer mais de proposer un autre imaginaire de bien-être.
Pour penser l’ « économie », on devrait partir des citoyens, du territoire dans lequel ils vivent. Il faut construire avec les habitants en leur donnant les outils pour réfléchir, à l’exemple de la Convention Citoyenne pour le Climat* qui s’opère en ce moment. Le combat contre l’urbanisation n’est pas gagné, et celui d’Europacity non plus d’ailleurs, puisque rien n’est dit qu’un autre projet de cette nature vienne le remplacer.
* La Convention Citoyenne pour le Climat est une expérience démocratique inédite en France qui réunit 150 citoyens tirés au sort. L’objectif est qu’ils s’informent, débattent et préparent des projets de loi sur l’ensemble des questions relatives aux moyens de lutter contre le changement climatique.
Dans quelle mesure le film Douce France fait-il écho à la crise du coronavirus que les français vivent et « au monde d’après » ?
Le film est au coeur des questionnements posés par cette crise du coronavirus. Il permet de prendre conscience que le système dans lequel nous vivons doit être le système du passé.
Il permet ainsi de faire la balance entre le réalisme et l’optimisme qu’il faut avoir pour se retrousser les manches, construire le monde de demain avec des solutions comme celles qui y sont présentées (se nourrir en circuit-court dans des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, s’approvisionner dans des ressourceries).
Actuellement, on vit avec la pandémie un électrochoc. C’est une formidable opportunité de construire ensemble autrement grâce au chaos dans lequel on se trouve.
Il faut que l’on puisse mettre ce changement à la disposition de tous les citoyens. Le pouvoir du consommateur et sa prise de conscience sont très importants, mais la consomm’action ne changera pas le monde. La prise de conscience doit être politique.
Dans le contexte de la pandémie, comment envisagez-vous la sortie du film ?
Le 2 mai, nous avons organisé une avant-première en ligne suivi d’un débat avec le cinéma Le Méliès. Cette « e-projection » a amené plus de 1500 spectateurs, ce qui représente la plus grosse audience sur la plateforme La 25ème Heure. J’ai eu beaucoup de retours suite à cela. Il y a un vrai engouement autour du film et des questions qu’ils posent.
Nous souhaitons que DOUCE FRANCE amène une réflexion dans les territoires. C’est la raison laquelle nous allons organiser des projections dans des cinémas et débattre avec des acteurs qui ne partagent pas nos idées. Pendant ces projections, je veux poser la question : « quel serait le pire ennemi sur votre territoire ? ».
Avec notre distributeur, on prépare aujourd’hui la sortie en salle qui ne sera pas une sortie nationale. On ne veut pas que le film soit centralisé et sorte une fois dans toutes les salles, mais plutôt région par région. Je souhaite faire une animation territoriale. Comme nous avons besoin de moyens financiers, nous prolongeons la campagne de financement participative et visons les 50 000 euros pour que cette animation délocalise voie le jour.
Cette interview vous a convaincu ? N’attendez pas pour débattre avec le réalisateur et assister à l’avant-première du film depuis votre salon dès ce soir !
Parce que le film a été rendu possible grâce au soutien de la communauté, vous pouvez aussi apporter votre soutien pour finaliser la post-production du film et animer nos territoires d’une grande tournée de ciné-débats.
> https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/doucefrance-lefilm
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter :
> tous les articles de notre magazine d’information GoodPlanetMag’ sur le projet Europacity
> l’interview de Michel Vampouille, président de Terre de Liens, réalisée par Julien Leprovost : Lire l’interview