SOS MÉDITERRANÉE intervient en mer depuis 2016 pour sauver des vies. L’année 2020 a été particulièrement difficile pour l’association européenne. Depuis le 22 juillet, les autorités italiennes détiennent son embarcation, l’Ocean Viking, ainsi que 6 autres navires humanitaires, rendant impossibles les opérations de sauvetage sur l’une des routes les plus meurtrières au monde. Malgré l’absence de navire de sauvetage et la pandémie mondiale de COVID 19, les départs depuis les côtes libyennes, et le nombre de morts, n’ont en rien réduit. Alors que SOS MÉDITERRANÉE lance sa campagne annuelle de dons, la Fondation a souhaité donner la parole à Syphax Allek, délégué régional à la mobilisation citoyenne, afin qu’il nous en dise plus sur les actions menées par l’association et les moyens de la soutenir.
SOS Méditerranée est née en 2015 et intervient en mer pour sauver des vies depuis 2016. Comment ont lieu ces sauvetages ?
Le principe de solidarité en mer est régi par des règles internationales simples : tout capitaine a le devoir de prêter assistance à toute embarcation en détresse en mer. Ce cadre légal est celui qui anime les membres de SOS MÉDITERRANÉE depuis la première opération de sauvetage au début de l’année 2016.
Avec l’Aquarius jusqu’en 2018 et aujourd’hui avec l’Ocean Viking nous intervenons en Méditerranée centrale, plus précisément dans les eaux internationales, une vaste zone dont la responsabilité de la coordination est répartie entre la Libye, Malte et l’Italie.
A bord les équipes sont constituées : de l’équipage qui fait fonctionner le navire, des marins-sauveteurs et d’une équipe médicale. Quand une embarcation en détresse est repérée, nous en informons les autorités compétentes qui nous donnent l’autorisation d’intervenir. Les embarcations en détresse sont surchargées et parfois déjà en situation de naufrage, avec des personnes tombées à l’eau, l’opération de sauvetage peut prendre plusieurs heures pour mettre en sécurité l’ensemble des rescapés. Un sauvetage se termine seulement une fois que les rescapés ont débarqué en lieu sûr, ainsi le responsable de l’opération à bord de l’Ocean Viking fait une demande d’attribution d’un port de débarquement aux autorités. Les conventions internationales définissent un port sûr comme un endroit où les droits fondamentaux humains sont respectés. SOS MÉDITERRANÉE refuse donc systématiquement toute proposition de débarquement en Libye qui n’est pas reconnu comme un lieu sûr par l’ONU.
Tous les témoignages des rescapés concordent : torture, viols, extorsions… La Libye est un pays en guerre et défini par l’ONU comme « le pire pays au monde pour un réfugié ».
Depuis l’été 2018, les conditions d’attribution d’un port de débarquement se sont terriblement durcies et nous avons dû subir de longues attentes avant qu’un État n’autorise le débarquement, ceci provoquant des situations de grande tension et de graves risques pour les personnes vulnérables à bord.
Quelle est la situation actuelle en Méditerranée centrale ?
Depuis le 22 juillet 2020 les autorités italiennes détiennent notre navire, l’Ocean Viking, tout comme 6 autres navires humanitaires. Entre l’été et début novembre 2020 il n’y avait plus aucun navire de sauvetage sur cette route migratoire qui reste l’une des plus meurtrières au monde.
Après plusieurs heures de contrôle à bord, les autorités italiennes ont en effet déclaré trouver des irrégularités qui ont, pour la grande majorité, étaient réglées dans les heures qui ont suivi. D’autres sont plus longues à résoudre car elles reposent sur la réinterprétation du droit maritime international en considérant, par exemple, les personnes rescapées comme étant des passagers des navires de sauvetage.
Sur cette période, l’Organisation Internationale des Migrations a recensé de nombreux naufrages et des centaines de personnes décédées en mer. L’absence de navire de sauvetage, la pandémie mondiale de COVID 19 et les conflits qui se sont intensifiés en Libye n’ont en rien réduit les départs depuis les côtes libyennes et malheureusement le nombre de morts.
Depuis le 1er janvier 2020, on dénombre 922 personnes décédées en Méditerranée dont 652 dans notre zone d’intervention en Méditerranée centrale. Sur 652 personnes recensées deux tiers l’ont été sur cette période sans ONG de sauvetage en mer ! Le blocage des ONG de sauvetage n’a qu’une seule conséquence : l’augmentation du nombre de morts en mer ! Lorsque les personnes ne disparaissent pas en mer elles sont interceptées par les gardes côtes libyens qui les renvoient dans des camps et prisons où elles subissent les pires sévices.
SOS Méditerranée lance sa campagne annuelle de collecte de fonds. A quoi est destiné cet argent ? En tant que citoyen, que peut-on faire ?
Notre navire en opération représente un coût journalier de 14 000€. Dans le but de répondre à l’urgence des naufrages à répétition, nous avons tout mis en œuvre pour libérer l’Ocean Viking et venons tout juste d’obtenir le droit de nous déplacer en direction d’un chantier naval afin de procéder à des aménagements pour répondre aux nouvelles exigences des autorités italiennes qui détiennent le navire.
Nous effectuons par exemple le remplacement des radeaux de survie actuels par huit radeaux plus grands, d’une capacité de cent personnes chacun. Plusieurs ajustements dans nos procédures d’urgence et d’évacuation sont également en cours de réalisation. Il s’agit d’un effort long et coûteux mais indispensable pour repartir en Méditerranée centrale.
Une fois les travaux à bord terminés, nous nous attendons à ce que les nouvelles installations de l’Ocean Viking correspondent à l’interprétation des normes de sécurité des garde-côtes italiens et nous espérons la reprise rapide de nos opérations de sauvetage en mer.
Cette campagne d’appel aux dons est donc plus que jamais déterminante pour reprendre au plus vite notre mission vitale de sauvetage. Grâce à ce soutien, quels que soient les obstacles, nous continuerons de répondre aux appels de détresse de celles et ceux qui se noient.
SOS MÉDITERRANÉE est une association européenne et citoyenne née en 2015 d’un élan citoyen et organisée aujourd’hui autour d’un millier de citoyens engagés dans 17 antennes bénévoles en France et plus d’une dizaine d’autres en Allemagne, Suisse et Italie. Chacun peut donc, en s’engageant comme donateur ou bénévole, contribuer aux missions de SOS MÉDITERRANÉE : sauver, protéger et témoigner.
Rendez-vous sur le site de SOS MÉDITERRANÉE pour soutenir leurs actions !
© Anthony Jean